Éditions GOPE, 240 pages, 13x19 cm, 17.85 €, ISBN 978‐2‐9535538‐8‐8

mardi 28 août 2012

La mort d’une légende, Dean Barrett


Dean Barrett a plusieurs cordes à son arc : écrivain, dramaturge, photographe, journaliste. Il est connu à Bangkok, et notamment dans le quartier chaud de Soi Cowboy, à la fois pour ses facéties, son goût inconditionnel pour tout ce qui porte une minijupe (ou un sarong, un longyi, une cheongsam, un kimono, un bikini, etc.) et ses thrillers asiatiques. Ces derniers ont la réputation d’être faciles à lire, captivants et bien documentés.

La mort d’une légende ressemble beaucoup à une pièce de théâtre, en un acte et trois scènes : l’action se déroule dans un appartement, les personnages entrent et sortent, les dialogues sont enlevés et prédominants.

Dean Barrett en a en effet repris Death of a Legend, une petite pièce de théâtre de 15 minutes, écrite en 1997, dont l’action se déroule dans un appartement à Manhattan. Il y a incorporé des éléments qui lui donnent une couleur typiquement thaïe.

Tout commence dans le living-room d’un appartement pouilleux, dans un immeuble délabré d’un quartier chaud de Bangkok.
Il fait jour. Les stores sont baissés, mais ne peuvent masquer la misère des lieux.
Un homme d’un certain âge, assis sur une chaise, nettoie méticuleusement son arme, sur la table du salon. Entre alors un jeune, à peine sorti de l’adolescence…
Ainsi, dans une même pièce, se retrouvent deux hommes.
Deux tueurs à gages.
Un contrat.
S’engage alors un huis clos entre ces deux êtres, le vieux routard et le novice. 
Deux hommes, deux générations, pour une même mission, pour un même contrat. 
Deux tueurs. Une victime. 
Deux chasseurs. Une proie.
Mais les apparences sont bien souvent trompeuses et Bangkok n’échappe pas à cette règle universelle. Bien loin s’en faut.
Alors qu’un macabre pas de deux s’engage, le rythme s’accélère.
Dans la chaleur. Dans la misère.
La rencontre entre ces deux hommes, entre ces deux générations, aboutira-t-elle à une collaboration ou au contraire, à une confrontation ?
Quelle est la destinée de ce binôme improbable ? Erreur de casting ou coup de génie ?
Dans cet appartement pouilleux, perdu dans la ville, quand la danse s’achèvera, les lignes auront-elles bougé ? 
Qui sera le chasseur ? Qui sera la proie ?

Extrait :

On frappa à la porte, discrètement, avec hésitation. Imperturbable, l’homme continuait son ouvrage. Sa voix était grinçante et bourrue, sans doute un héritage de toutes ces années où il avait fumé :
« Ouais. »
Silence.  On frappa une nouvelle fois. Juste un tout petit peu plus fort.
« Ouais ! »
La porte s’ouvrit, lentement, et un jeune Thaïlandais entra avec précaution. Il était mince, âgé d’une vingtaine d’années et portait une veste qui devait coûter un paquet de fric, une chemise à manches longues et un pantalon impeccablement repassé. Ses chaussures en cuir semblaient avoir été lustrées. Son teint était beaucoup plus clair que celui du géant. Il essayait d’adopter une attitude cool et nonchalante, cependant, tout en lui transpirait la nervosité. Il regarda le colosse pendant quelques secondes, ferma la porte, puis jeta un coup d’œil à la pièce.
« Tu ne fermes pas la porte à clé ?
— Si tu le dis.
— Et si ça avait été lui ?
Pour la toute première fois, l’homme, sur sa chaise, leva les yeux et regarda le jeune homme. Puis, il reprit le nettoyage de son arme.
— Lui ?
— Le type qu’on doit descendre ! C’est une légende !
— Les légendes meurent, petit. Comme tout le monde.
— Mais il aurait pu débarquer plus tôt et…
— Et quoi ? rétorqua le géant qui cessa son activité quelques secondes pour plonger son regard dans celui du garçon.
T’inquiète, petit. Il est connu pour sa ponctualité.
Le jeune homme hésita, puis se dirigea vers le colosse. Il lui tendit la main. L’autre l’ignora.
— Je m’appelle Sombat Ti…
— Ne dis pas ton nom. Ne dis jamais ton nom. Ça fait com-bien de temps que tu es dans le business ?
— Euh… je… ça fait un bail… Alors, ça fait combien de temps que tu es là ?
— Un certain temps. Wichai t’a engagé ?
— Ouais, Wichai
— Qu’est-ce qu’il t’a dit ?
— Sur quoi ?
— Sur le coup !
— Juste que le type fait ce qu’on fait. Et que c’est le meilleur.
— Et qu’est-ce qu’on fait ?
Le garçon se redressa et commença à se pavaner :
— Ben, tu sais. Éliminer les obstacles. Régler les différends. Résoudre les problèmes. De façon permanente… comme quand j’ai réglé son compte à Kaeochart.
— C’est toi pour Kaeochart ?
— Ouais, c’est moi. T’en as entendu parler, hein ?
— Petit, tout le monde dans le métier a entendu parler de Kaeochart. En plein milieu du parc Lumpinee. Le tireur est descendu de sa moto, est passé à côté des gardes du corps du gars, l’a exécuté puis est retourné tranquillement à sa moto et s’est tiré. Il ne les a pas lâchés du regard pendant tout ce temps ; les mecs avaient trop les pétoches pour bouger.
— Ouais. Ouais, ça s’est passé comme ça. C’était cool… couillu.
Le garçon s’interrompit, histoire de s’admirer dans le miroir, puis regarda le géant dans le reflet.

© Dean Barrett, 2011
© Éditions GOPE, 2012, pour la version française

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