Éditions GOPE, 240 pages, 13x19 cm, 17.85 €, ISBN 978‐2‐9535538‐8‐8

mercredi 13 février 2013

Une anthologie de très, très bonne facture



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Il faut d'abord rendre hommage aux éditions GOPE qui ont pris le pari de traduire cette anthologie, à l'heure où la nouvelle est peu prisée (que c'est triste !) par le public francophone et qu'en dehors de John Burdett (Bangkok 8), l'ensemble des auteurs de ce recueil sont inconnus de ce côté de l'Atlantique. Pourtant, tous ont une vraie notoriété ailleurs (au Canada, en Angleterre et bien sûr en Thaïlande). C'est donc pour chacun d'entre nous la possibilité de découvrir ces auteurs peu ou pas traduits du tout en dehors des nouvelles de Bangkok Noir. Voilà déjà un premier atout.
Le deuxième, c'est une passionnante introduction (dont un passage constitue la quatrième de couverture) de Christopher G. Moore qui dirige cette anthologie. Il est canadien mais vit depuis vingt ans à Bangkok. Il a notamment créé un personnage récurrent, Vincent Calvino, détective privé américain basé en Thaïlande. Une vingtaine de titres ont déjà été publiés, un seul traduit en France (Zéro heure à Phnom Penh). Dans son édito, il nous dévoile ce que « le noir » signifie pour lui. Il y met des variantes qui peuvent nous éloigner du pur hard-boiled américain ou du roman noir français tel que nous les percevons.

Il ne faut donc pas s'étonner si la première nouvelle, Autant en emporte l'Orient, est un texte fantastique qui raconte une histoire d'amour surnaturelle sur fond d'arrangements mafieux. Ce n'est pas celle que j'ai préférée et je ne l'aurai pas placée en ouverture en raison justement de cette interprétation inattendue du « noir ». Toutefois elle pose dès le départ un de ces paradoxes asiatiques courants qui oppose modernisme et croyances ancestrales.

La seconde, L'inspecteur Zhang et le meurtre du gangster thaï, propose une énigme façon « meurtre en chambre close » mais version Boeing 777. Une petit régal de déduction, même si cette histoire aurait pu se passer n'importe où.

La première histoire vraiment touchante et de plus une vraie représentation du Bangkok d'aujourd'hui s'intitule Mille et une nuits et propose une errance dans le Bangkok by night, avec ses néons, ses bars, ses rabatteurs, ses transsexuels.

Crâne-coupé est une de mes préférées : un shaman charlatan se fait arnaquer par la fille de ses cauchemars. Une nouvelle fantastique et horrifique, digne des Contes de la Crypte ou de Hitchcock raconte… et qui, d'une certaine manière, ne manque pas d'humour.

Étonnamment, j'ai eu du mal à suivre la nouvelle de Moore, Dauphins S.A, où deux jeunes geeks plongés dans leur réalité virtuelle jouent les écoterroristes. Elle est dans sa forme totalement du ressort de la science-fiction et pourrait dérouter quelques lecteurs 100 % polar, néanmoins là encore elle traduit le malaise d'une société accédant à une technologie qui pourrait un jour la dépasser. Le sujet de fond, l'écologie et la protection de l'écosystème face à la convoitise japonaise, est évidemment tout à fait d'actualité.

Une femme libérée traite de chantage, d'infidélité, d'homosexualité, d'arnaque et de vengeance… et surtout du besoin de liberté des femmes enfermées dans le carcan de la maîtresse attitrée. Un cocktail explosif même si la fin reste un peu… floue.

La deuxième nouvelle émouvante et qui soit selon moi une des meilleures, est sans détour, Hansum Man. Un vétéran du Vietnam, installé à Bangkok, alcoolique et aux limites de la sénilité, découvre que « sa » Thaïlande a bien changé. Un texte fort, empreint de nostalgie, violent par les actes mais aussi par l'émotion qu'il provoque.

Le jour s'est levé tient presque plus du pamphlet. Un journaliste américain enquêtant sur un meurtre se heurte au silence des témoins.

Suit la nouvelle La mort d'une légende, qui, bien que bien écrite, aurait, elle aussi, pu se passer ailleurs. Deux tueurs à gages ont pour contrat d'assassiner un de leur confrère, une légende dans le milieu. Ce texte a ce côté intemporel qui le place à la limite du hors sujet mais il reste très sympa à lire.

L'épée traite de la corruption au sein de la police et est une des rares nouvelles à « chute » du recueil. Son final fantastique laisse à penser que la rédemption n'est pas au goût du jour pour notre flic véreux.

Une autre nouvelle assez drôle, Bras de fer autour d'une glacière, nous emmène dans un grand restaurant de Bangkok. La patronne ayant subtilisé la spécialité d'une jeune cuisinière des rues, cette dernière en appelle à un ami farang (étranger, occidental) pour l'aider à récupérer son poisson au curry qui passe pour être le meilleur de la ville.

Et enfin, Canicule mortelle nous emmène dans les bas-fonds, là où culs-de-jatte et voleurs à la petite semaine, tentent de survivre. Mais certains acceptent des missions qui peuvent être bien plus graves que la simple mendicité. Et tant pis pour les dommages collatéraux.

C'est donc une anthologie de très, très bonne facture.

Pratiquement tous les textes m'ont enchantée, de part leur éclectisme, leur poésie, leur exotisme, leur violence aussi. On perçoit bien les grandes tendances et les traits de caractère qui définissent Bangkok.

Concernant la couverture, elle est pas mal même si je n'aime pas forcément la bouche sanguinolente (en noir et blanc) ajouté à la photo du personnage. Je trouve la couverture originale bien plus neutre […].


Si vous pensez comme moi j'espère que cela ne vous arrêtera pas, car ce qui compte c'est ce qu'il y a dedans et maintenant vous en avez un bel aperçu.

Je m'en suis donc remise à tous ces auteurs qui, le temps de quelques nouvelles, m'ont transportée dans un ailleurs qui m'était totalement inconnu. Mes affinités littéraires asiatiques se limitant au Japon, je n'ai pu apprécier ce recueil que par la curiosité attisée par un éditeur méritant. Je vous encourage à la même démarche en espérant vous avoir aussi intrigués, intéressés, interpellés.

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Sommaire (les * correspondent en toute subjectivité à mes préférences. *** étant le must)

***Christopher G. MOORE Introduction
* John BURDETT Autant en emporte l'Orient (fantôme, mafia, surnaturel, tatouage)
** Stephen LEATHER L'inspecteur Zhang et le meurtre du gangster thaï (avion, énigme, gangster, huis-clos)
** Pico IYER Mille et une nuits (Bangkok, errance, prostitution, transexualité)
*** Colin COTTERILL Crâne-coupé (cauchemar, escroquerie, fantastique, vengeance)
* Christopher G. MOORE Dauphins S.A. (écologie, virtualité)
** Tew BUNNAG Une femme libérée (adultère, chantage, gay & lesbien)
*** Timothy HALLINAN Hansum man (Bangkok, délinquance, nostalgie, vétéran)
** Alex KERR Le jour s'est levé (enquête, journaliste)
** Dean BARRETT La mort d'une légende (coup monté, tueur à gage)
** Vasit DEJKUNJORN L'épée (corruption)
** Eric STONE Bras de fer autour d'une glacière (concurrence, gastronomie, vol)
*** Collin PIPRELL Canicule mortelle (assassinat, précarité, sans abris)

http://www.librairiesoleilvert.com/article-christopher-g-moore-antologie-bangkok-noir-2011-108348990.html
Herveline, juillet 2012.

3 commentaires:

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